Americafé
Ah l’Amérique ! Sa statue de la Liberté, ses grands espaces, ses buildings newyorkais, Hollywood, la Californie… Rien qu’à l’évocation de ces noms, ce sont des dizaines d’images qui nous viennent en tête et qui illustrent ce que l’on appelle « le rêve américain » ! Mais nous connaissons malheureusement aussi l’envers du décor : un pays où règne un capitalisme des plus débridé, avec une part non négligeable de la population vivant sous le seuil de pauvreté, sans couverture sociale ou assurance chômage. Bref, un revers de la médaille qui montre la réalité d’un pays où les droits sociaux sont quasi-inexistants par rapport à la France, avec des salariés pouvant, du jour au lendemain, perdre leur emploi en un claquement de doigts. Ce capitalisme sauvage a accouché des « GAFAM » bien connus, mais aussi de « marques » que nous croisons quotidiennement, comme Mac Donald, Kellogs ou Starbucks. C’est justement de cette dernière dont nous allons vous parler.
Starbucks Corporation est une chaîne bien connue de cafés fondée en 1971. En partie en franchise, il s'agit de la plus grande chaîne de ce genre dans le monde, avec 32 180 établissements implantés dans 78 pays, dont 18 235 sur le continent Américain. Le géant au logo représentant une sirène et au 25 milliards d’€ de C.A. (en 2021) est une entreprise mondiale de 383 000 personnes… mais totalement dépourvue de syndicats pour représenter et défendre son personnel. Alors, laissez-nous vous compter la belle histoire de ces quelques courageux salariés qui ont décidé de défier le géant du café.
Le 9 décembre 2021, ce sont des cris de joie et des embrassades qui ont fusé à l’annonce des résultats d’un vote historique, qui a entériné la création du premier syndicat dans un établissement Starbucks aux Etats-Unis.
Le dépouillement des votes dans un autre établissement situé près de l’aéroport de la ville, a entériné là aussi la création d’un syndicat. Des recours ont évidemment été déposés par la direction de Starbucks, les résultats finaux doivent donc encore être confirmés, mais les partisans de la création d’un syndicat sont confiants.
Maintenant Starbucks va devoir venir à la table des négociations. La compagnie, fondée il y a cinquante ans, continue pourtant d’estimer que les conditions de travail qu’elle propose ne justifient pas la création d’un intermédiaire entre les salariés et la direction. Mais « elle respecte le droit de ses salariés à former un syndicat », a fait savoir une représentante de l’entreprise.
Comme la tentative de syndicalisation menée dans un entrepôt d’Amazon dans l’Alabama au printemps, la campagne des salariés de Starbucks a attiré l’attention. Elle reflète la grogne d’employés décidés à se battre, à un moment où la dynamique sur le marché du travail leur est favorable.
Quand il a rejoint Starbucks, en mai, Will, 24 ans, se félicitait de travailler pour un groupe brandissant régulièrement ses valeurs progressistes et offrant généralement de meilleures conditions de travail que les autres cafés. « Mais quand j’ai commencé, je me suis rendu compte que ce n’était pas forcément le cas », témoigne-t-il. Il a été particulièrement choqué de découvrir que des personnes travaillant depuis plusieurs années gagnaient à peine plus que lui, et se plaint des cadences intenses. « On vend des boissons à 8, 9 dollars, toutes les trente secondes, tout au long de la journée, mais l’entreprise n’a pas rattrapé la demande en embauchant plus de salariés », explique-t-il. Dans ce contexte, « on peut soit démissionner, soit, puisqu’on tient à l’entreprise, tenter de modifier les choses en formant un syndicat ». Les personnels favorables aux syndicats étaient d’autant plus motivés que Starbucks a fait preuve de résistance. Quelques semaines après le lancement de la mobilisation syndicale, le groupe a annoncé plusieurs mesures, comme le relèvement de son salaire minimal ou une meilleure prise en compte de l’ancienneté. Mais il a aussi, selon les organisateurs de la campagne, déployé les grands moyens pour tenter de convaincre les employés de voter « non » à la création d’un syndicat, envoyant notamment un bataillon de cadres supérieurs pour superviser les équipes et tenter de convaincre les employés hésitants. L’emblématique ancien patron Howard Schultz est même venu animer une réunion au début de novembre. Starbucks a aussi attaqué sur le plan juridique mais sans succès. Si le groupe s’inquiète tellement de l’arrivée d’un syndicat, même dans quelques cafés, « c’est bien parce que cela pourrait déclencher une vague au sein de l’entreprise ». Les salariés d’autres établissements ont récemment demandé à pouvoir organiser des votes en vue de rejoindre le SWU.
La conclusion de l’histoire ? nous, salariés Canon France, bénéficions de la présence d’une organisation syndicale CGT créée en octobre 1974, alors que notre entreprise ne s’appelait pas encore Canon France mais « Daniel Paillot SA » (qui deviendra Canon France en novembre 1975). Cette organisation syndicale s’est renforcée en devenant un Syndicat CGT autonome le 31 mars 2017. C’est un privilège et une force que nous devons préserver et soutenir ! Il est pro-actif, à votre écoute et se bat au quotidien pour améliorer vos conditions de travail. Partout dans le monde, et pas seulement dans les pays émergeants, des salariés luttent pour constituer des syndicats au sein de leurs entreprises, pour la défense de leurs droits, pour être plus forts ensembles et pour être un vrai contre-pouvoir face à des directions souvent iniques. A l’heure où notre entreprise subit un démantèlement en règle depuis 5 ans, il est crucial que votre syndicat soit fort, grâce à vos votes et à vos adhésions, pour être un acteur crédible et audible lors des négociations. L’histoire de salariés de Starbucks montre que l’existence d’un syndicat dans le cadre professionnel n’est pas un acquis mais avant toutes choses un bien précieux, une chance que nous ne devons pas galvauder. Nous espérons que l’aventure syndicale Starbucks sera une source de réflexion et de discussion pour chacun d’entre vous, le lundi matin… à la machine à café par exemple !
P.S. : plus proche de nous, et pour votre parfaite information, n’oublions pas de signaler que Starbucks coffee France n'a jamais payé d'impôt sur les sociétés depuis son installation en 2004, car elle ne déclare aucun bénéfice dans notre beau pays, alors que le nombre de franchises françaises ne cesse de croître. Il est tout de même important de noter que les franchisés, situés en France, participent à l'emploi et contribuent, eux, à l'effort fiscal dans notre pays, mais ils versent une redevance à Starbucks coffee France qui domicilie ses bénéfices… aux Pays-Bas ! Encore un bel exercice d’optimisation fiscale qui donne au café un gout encore plus amer…